Sumatra est une île dotée de volcans majestueux et d’une jungle luxuriante où les orangs-outans vivent encore en liberté. Sixième plus grande île du monde, ce petit paradis est encore peu exploré par les visiteurs occidentaux. Nous ne sommes restés que deux semaines par manque de temps mais les expériences vécues ici se classent parmi mes plus beaux souvenirs de voyage. Je recommande au moins trois semaines, voir un mois, pour prendre le temps d’explorer Sumatra. C’est une grande île et les temps de trajet sont vraiment très longs. En quinze jours, j’ai vécu deux expériences très intenses dans la jungle : une immersion d’une semaine avec la tribu des hommes-fleurs et la rencontre des derniers orangs-outans de la planète ! Laissez-moi vous raconter…

Qui sont les hommes-fleurs ?

Une tribu animiste en communion avec la nature

Les hommes-fleurs, qui vivent sur les îles Mentawai au large de Sumatra, font partie d’une tribu animiste. C’est-à-dire qu’ils croient aux esprits et en la nature. Pour eux, chaque élément naturel (plante, animal ou objet) possède une âme. C’est d’ailleurs pour ça qu’on les appelle ainsi, pour la connexion qu’ils partagent avec la forêt. Ils sont vêtus d’un pagne qui cache seulement leur entre-jambe et s’ornent de fleurs ou de feuilles pour être en communion avec la nature. Les Mentawai sont aussi connus pour leurs tatouages très élaborés. Ces motifs géométriques et floraux symbolisent également le lien qu’ils partagent avec la nature.

Pendant six jours, nous avons vécus à leur rythme et partagés leurs journées. Nous avons pris part à différentes activités comme la pêche au filet, le tir à l’arc, la cueillette de plantes médicinales, la confection de paniers en lianes… J’ai également appris à fabriquer du poison à base de plantes naturelles. Ils l’appliquent ensuite sur leurs flèches avant d’aller chasser. Puis, grâce à l’écorce d’un arbre, nous avons fabriqués un slip, semblable au pagne qu’ils portent.

Dans la forêt, la tribu vénère le « sagu », un arbre avec lequel ils se nourrissent et confectionnent leur maison. Car oui, ici, hormis les cigarettes, tout est fabriqué sur place ! La chair du sagu permet de fabriquer une farine qui constitue l’élément de base de leur alimentation. Lorsque l’arbre meurt, les hommes-fleurs récupèrent également de gros vers qu’ils consomment, souvent crus.

Une culture qui tend à disparaître…

Malheureusement, leur culture disparaît. Les enfants, qui sont désormais scolarisés, doivent choisir une religion à l’école. Petit à petit, ils perdent leurs traditions et troquent leurs habits traditionnels contre des vêtements standards. Nous n’avons pas vu d’enfants pendant notre séjour dans la jungle car les jeunes générations vivent désormais dans les villages. En tout, j’ai aperçu quatre hommes-fleurs se balader dans la forêt dans leur tenue traditionnelle. Ce n’était que des personnes âgées. La génération intermédiaire porte des habits de tous les jours, ainsi que des bijoux. 

Aujourd’hui, les jeunes générations sont à la recherche de plus de confort et on ne peut pas leur en vouloir. Vivre en communion avec la nature est particulièrement beau mais les conditions de vie sont aussi plus rudes. Tout cela reste un sujet tabou pour les plus vieux qui sont attristés de voir leurs traditions se perdre avec le temps.

En revanche, j’ai trouvé cette rencontre très authentique puisque les hommes-fleurs ne changent pas leur mode de vie pour les touristes. On partage un moment de leur quotidien sans mises en scène ni artifices. Je pouvais d’ailleurs voir la fierté dans les yeux d’Amangiano, notre hôte, quand celui-ci nous montrait ses connaissances sur son environnement. D’ici quelques décennies, les hommes-fleurs pourraient avoir complétement disparus…

Comment se rendre à Siberut ?

Prendre le ferry à Padang

Le départ s’effectue à Padang avec le Mentawai Fast à 7h du matin. Les ferrys jusqu’à Siberut ne passent que le mardi, le jeudi et le samedi. Je vous recommande de dormir au Yani Homestay car il est situé à dix minutes à pied du ferry.

L’achat des billets peut se faire directement sur place et le trajet coûte 350k/pers (21€). Nous avons mis environ 4h pour faire la traversée avec ce fastboat. Attention, il existe aussi des ferrys plus lents qui font différents arrêts et peuvent mettre jusqu’à 6 ou 12h.

Excursion en pirogue jusqu’aux hommes-fleurs

Une fois arrivés à Siberut, nous retrouvons Sharul (ou Ere), notre guide. Après quinze minutes de scooter jusqu’à sa maison, nous prenons le déjeuner chez lui et nous l’attendons pendant qu’il part faire quelques courses pour cette semaine dans la jungle. Il achète des cigarettes comme cadeau de bienvenue de notre part. En effet, il est d’usage d’apporter quelque chose à la famille. Sharul nous précise que les hommes-fleurs réclament des cigarettes donc nous acceptons, un peu malgré nous. On aurait préféré apporter quelque chose qui ne nuit pas à leur santé.

On laisse nos gros backpacks chez notre guide (vous pouvez aussi les laisser à votre homestay à Padang) et on part pour 1h30 de pirogue. Il n’y a pas beaucoup de place dans l’embarcation donc je vous conseille de ne pas venir trop chargé. De plus, le trajet en pirogue a été un peu chaotique. La rivière était trop basse par endroit donc on devait descendre de l’embarcation pour la pousser. J’ai eu vraiment peur pour mon matériel électronique parce qu’à plusieurs reprises, la pirogue était à deux doigt de vaciller sur le côté.

Ensuite, on randonne environ trente minutes à travers la forêt. Nous avons eu de la chance car à ce moment-là (mi-octobre), il n’avait pas plu depuis un moment. Normalement, cette région est très pluvieuse et les sols sont donc boueux. La marche peut alors prendre jusqu’à une heure. Nous arrivons chez Amangiano et sa femme, un couple particulièrement adorable, en fin d’après-midi. L’avantage d’avoir pris un guide indépendant est que nous sommes les deux seuls touristes. Le séjour promet d’être authentique ! 

Quel budget pour visiter la tribu des hommes-fleurs

Nous avons fait une immersion de six jours et cinq nuits dans la tribu des hommes-fleurs à Siberut. Les tours durent en général 5 à 6 jours puisqu’ils sont organisés en fonction des ferrys, du jeudi au mardi.

💡 Certaines personnes choisissent de partir du samedi au mardi, par manque de temps. Je ne recommande pas vraiment cette option puisque le temps sur place est relativement court. En effet, il faut déjà compter plus ou moins deux jours de transfert aller-retour pour rejoindre la famille.

Pour organiser cette sortie, nous avons pris un guide indépendant qu’on a contacté directement sur Facebook. Son nom est Ere Sakaliou Mentawai, n’hésitez pas à le contacter de ma part ! Le prix du tour est de 7,5 millions de roupies pour deux personnes, soit 225€ par personne, sans compter le prix du ferry. 

Comment se déroule le séjour ?

Le but est de vivre au rythme des hommes-fleurs et de découvrir leur mode de vie. Il n’y a pas d’activités planifiées alors on prend part aux tâches quotidiennes comme pêcher des coquillages dans la rivière avant de les ouvrir pour le dîner. Les journées sont consacrées à la découverte de la forêt, de leur environnement et de leur culture ancestrale. On passe aussi beaucoup de temps à échanger avec les habitants.

Sachez aussi qu’en réservant avec Sharul, il se peut que vous visitiez une famille différente de la nôtre. En effet, cela dépendra du guide et de la disponibilité des habitants à accueillir des visiteurs. Bien souvent, les guides changent de famille à chaque fois pour que ce ne soit pas toujours la même qui reçoive les touristes.

Qu’en est-il du confort dans la jungle ?

Honnêtement, le confort est très limité à Siberut. Les hommes-fleurs se douchent dans la rivière et font leurs besoins dans la nature. On dort sur une natte, recouverte d’une moustiquaire, dans la pièce de vie commune, avec les guides. On goûte aussi à leurs spécialités culinaires comme le sagu, les vers, les poissons et coquillages trouvés dans la rivière. Je n’ai pas eu le courage de goûter les vers mais je me sentais un peu obligée de manger le reste, par politesse. J’avais peur d’être malade puisqu’ils n’ont pas de frigo et qu’ils gardent les crustacés plusieurs jours une fois pêchés. Au final, tout s’est bien passé même si j’ai été un peu malade pendant une journée.

Concernant le matériel, prévoyez des vieilles chaussures car on marche dans l’eau et dans la boue. Il n’y a pas d’électricité dans la jungle donc prenez aussi des batteries externes et une gourde filtrante si vous le souhaitez car on boit l’eau de la rivière qui a un goût très fumé une fois bouillie.

Anecdotes sur la tribu des hommes-fleurs

  • Aujourd’hui, les hommes-fleurs enterrent leurs morts au pied des arbres. Avant, ils avaient l’habitude de les déposer en haut des arbres. Si les oiseaux mangeaient entièrement les corps, cela signifiait que l’âme s’était élevée dans le ciel et qu’ils se transformeraient eux-mêmes en oiseaux. Sauf qu’un beau jour, des pluies torrentielles ont emportés les corps dans la rivière. Les cadavres en décomposition ont alors souillés l’eau que les gens buvaient causant ainsi de nombreux morts. Depuis, les corps sont enterrés.
  • La richesse des hommes-fleurs se compte en poules et en cochons. On reconnait aussi leur fortune par la taille de leur maison, la Uma, et le nombre de cuisine dont ils disposent. Ils en ont parfois jusqu’à trois.
  • Les hommes-fleurs chassent et mangent les singes. Ils considèrent gagner en intelligence grâce à ça, c’est pourquoi c’est un mets plutôt réservé aux enfants et aux personnes âgées afin d’aider le développement du cerveau.
  • Certains hommes-fleurs ont le statut de chaman. Pour devenir chaman, il faut être riche, c’est-à-dire posséder beaucoup de cochons et de poules. Il est aussi nécéssaire d’être une belle personne : ne pas mentir, tricher etc. On devient chaman en étant sondé par un autre chaman.
  • Les hommes-fleurs changent de prénom quand ils deviennent parents. Ils prennent le prénom de leur premier fils. Par exemple « Amangiano » veut dire : père de Giano.
  • Enfin, ne venez pas avec des choses auxquelles vous tenez. Parfois, les hommes-fleurs peuvent être tentés de vous demander quelque chose qui les intéresse. Dans mon cas, j’ai dû laisser ma serviette microfibre, parce qu’elle leur plaisait bien !

Conclusion

Cette expérience de près d’une semaine est l’un de mes plus beaux souvenirs de tour du monde. Amangiano est un homme très drôle et très curieux. Nous avons beaucoup échangé et j’ai été agréablement surprise de voir qu’il s’intéressait beaucoup à notre culture. J’ai vraiment adoré nos conversations le soir, à la lueur d’une lampe à pétrole.

Par exemple, il nous raconte qu’un jour, il a vu l’extrait d’un film sur le téléphone d’un touriste. Depuis, il se pose une question. Il nous demande alors si les hommes avec des queues existent. J’ai trouvé ces réflexions tellement belles et primaires, semblables à celles d’un enfant. Je lui ai également demandé de choisir une destination s’il était en mesure de voyager n’importe où dans le monde. Il a répondu « j’irais toucher la lune, ou le soleil ». Quand on lui a parlé de la prochaine expédition prévue dans l’espace, il a demandé « pourquoi font-ils ça ? Et qu’est-ce qu’ils mangent là-haut ? ». Il rigolait à chacune de nos réponses.

Lui, par exemple, ne comprend pas pourquoi la lune disparaît ou bien change de taille. Ces notions abstraites sont trop compliquées à expliquer et de toutes façons, nous n’avions pas envie de le faire. C’est une notion merveilleusement belle que d’avoir le luxe d’imaginer ! Il a écouté et posé des questions sans jugement. Ces conversations resteront gravées en moi à jamais. Cet homme m’a marqué au plus profond de mon âme. 

En bref, j’espère que cet article t’aura aider à préparer ton voyage à Sumatra, à la rencontre de la tribu des hommes-fleurs. Si tu as des questions, n’hésite pas à les poser dans la section commentaire ou à m’écrire sur Instagram. À bientôt sur le site !

Voyage réalisé en octobre 2023

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